Installé dans un château fort édifié à partir du 14ème siècle, le Musée de Dieppe présente l’histoire de cette ville à travers ses objets et ses représentations. Il possède une collection pluridisciplinaire de 25 000 objets, dont 2000 environ sont exposés dans une quinzaine de salles. Ce Musée présente une collection remarquable ayant trait à un métier actuellement disparu : ivoirier. On peut don admirer le travail remarquable de finesse de ces artisans du siècle passé. C’est sans doute la seule présentation au monde de ce savoir-faire incroyable.

Outre cet ensemble, ce musée recèle une pièce exceptionnelle puisqu’il s’agit d’une enseigne de pharmacie du XVIIème siècle.

Il s’agit de l'enseigne de l'ancienne pharmacie Cassel à Dieppe dont les péripéties sont étonnantes. Cette enseigne, démontée en 1954, malgré son inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, puis abandonnée aux intempéries pendant de longues  années, a été restaurée au mieux, et fait maintenant partie des collections du Château-Musée où elle est présentée au public. 

On  croyait donc cette enseigne définitivement disparue depuis 1954, mais en fait, elle est réapparue au début de l’année 2005 : un donateur anonyme s’étant proposé de la remettre au Château-Musée. « Je travaillais dans une entreprise du bâtiment quand j’ai découvert ces planches sculptées dans un tas de matériaux voué à la destruction. Je les ai récupérées sans savoir de quoi il s’agissait. J’ai seulement fait le rapprochement quand plus tard, je les ai nettoyées » a expliqué le sauveteur. En effet l’enseigne avait été entreposée dans la cour de l’entreprise qui en avait effectué la dépose, et un peu plus tard était en débris sur le tas de bois à brûler, les planches étant séparées les unes des autres. Heureusement les planches n’ont pas été mises au feu, mais récupérées subrepticement. Cependant après ces  nombreuses années d’abandon, elles étaient en piteux état et le panneau était désormais incomplet : on devinait bien l’arbre enlacé d’un serpent et la devise « his tribus versantur », mais beaucoup de signe alchimiques et des appareils de laboratoire étaient  incomplets ou détruits et il manquait une console. Un appel à mécénat a été lancé afin de restaurer cette enseigne unique

Compte-tenu du bombardement de la ville par la flotte anglo-hollandaise en 1694 et des travaux de reconstruction entrepris ensuite, il a été  estimé que cette enseigne pouvait être datée de la fin du XVIIe ou du tout début du XVIIème siècle.

La confirmation été donnée récemment par une communication de Claude Féron, secrétaire général de l'association « Les Amys du Vieux Dieppe ». Au cours de ses recherches dans les registres du tabellioniage de Dieppe, il a trouvé un document relatant la comparution de M. Desvastines, apothicaire, chez M. Dubusc, tabellion, le 21 janvier 1697, à propos de la reconstruction de l'immeuble, Grande Rue proche du Puits Salé.

Dans cet acte, il est écrit que « ...M. Desvatines, apoticaire, y fera son logement et commerce, par M. Delariviere, entrepreneur d'ouvrages, moyennant 3 000 livres, clés en mains. Avec une arcade : 15 toises de long - 12 pieds face à la rue - 24 pieds de dehors en dehors ; une boutique, une cuisine derrière, une cheminée régnant dans toutes les chambres... Le tout en chêne bon, loyal et marchand. Les croisées seront faites comme les voisines.

La construction commencera le 15 avril 1697. »

Ainsi, il est maintenant certain que la reconstruction de l'immeuble a été réalisée en 1697. L'arcade citée correspond à celle prévue en entresol par le règlement de la ville qui déterminait la manière de reconstruire les maisons détruites. La dimension de 12 pieds face à la rue correspond à la largeur de l'immeuble et à la longueur de l'enseigne (4 m).Minutieusement restaurée, sans vouloir restituer les éléments disparus, l’enseigne a été exposée seule dans un premier temps, puis une reconstitution du reste de la devanture de l’officine a été ajoutée de façon à présenter quelques objets pharmaceutiques et de sciences naturelles

Bibliographie :

« Une curieuse et vieille enseigne d'apothicaire à Dieppe. Du péril à la ruine », Rev. Hist. Pharm. 2001, n° 329, p. 55-62. 

P. Bourrinet, « Dieppe : l'enseigne de la pharmacie Cassel retrouvée comme par miracle », Rev. Hist. Pharm. 2006, n° 349, p. 143-144. 

P. Bourrinet, « Dieppe : l'enseigne de la pharmacie Cassel au Château-Musée », Rev. Hist. Pharm. 2007, n° 354, p. 291. 

U.C. Féron, communication personnelle et « L'enseigne Cassel a une suite », Bull. Les Amys du Vieux Dieppe 2007, fasc. CXVHI, p. 121. 

A. Liot, Les Apothicaires dieppois du XVIe au XIXe siècle, Rouen, Impr. Lucien Wolf, 1912.